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Anne autour du Monde

Je suis un globe trotteur infatigable, une amoureuse des gens et du voyage. J'aime me confronter à d'autres cultures, je suis curieuse de tout. Je traque la beauté partout où elle se trouve: dans le regard d'un enfant, dans un beau paysage, sur le sommet d'une montagne,dans l'harmonie d'un décor intérieur, la splendeur d'un édifice, d'un lac, d'une mer d'huile, dans le silence d'un désert lorsque la lumière transforme le réel, afin qu'apparaisse cette impalpable émotion.

Louisiane : la pire marée noire des Etats-Unis ?

Selon Steiner, biologiste marin, les dispersants utilisés par BP au large de la Louisiane se contentent de « couler » le pétrole.    Par Armelle Vincent. Source : Rue 89

Pendant sept ans, Rick Steiner a étudié les effets de l'Exxon Valdez (Alaska, 1989), la marée noire la plus chère et la plus catastrophique de l'Histoire.

na maree noire

C'est un scientifique de renommée internationale, grand spécialiste des catastrophes maritimes. De nombreux gouvernements (dont la Libye, le Pakistan ou la Russie) l'ont appelé au secours. Steiner est l'auteur du manuel des Nations unies sur les marées noires.

Samedi dernier, j'étais en Louisiane, à Venice, au bout de cette filandreuse langue de terre qui s'enfonce dans le golfe du Mexique entre marais, bayous, joncs foisonnants, carcasses d'arbres décimés par Katrina, bateaux défoncés, échoués sur les rives, et voitures à moitié immergées dans les eaux calmes. Les signes du terrible ouragan de 2005 sont encore bien visibles dans l'estuaire du Mississippi.

Au bout de la marina Cypress Cove, il y avait un pupitre et des caméras de télévision. Les journalistes attendaient le retour de Bobby Jindal, le gouverneur de la Louisiane, de Mitch Landrieu, le maire de la Nouvelle-Orléans et de Billy Nungesser, le président de Plaquemines Parish (littéralement « paroisse », ce qui, en Louisiane, signifie comté ou département).

maree noire golfe mexique bp insideLes trois hommes s'étaient envolés une heure plus tôt en hélicoptère Black Hawk pour effectuer une reconnaissance de la marée noire, à 50 kilomètres environ au large. Ils devaient ensuite se réunir avec des garde-côtes et des gardes nationaux dans le restaurant de la marina pour un briefing, puis donner une conférence de presse (la réunion a duré environ vingt minutes).

BP décide des autorisations de circulation

Parmi les journalistes, les pêcheurs et les écologistes présents, il y avait un homme de haute taille, mince, les cheveux blancs, la peau couverte de tâches de rousseur et de soleil, les yeux bleus très clair. Il s'agissait de Rick Steiner.

Il était venu comme bénévole, pour offrir son expertise. Mais bien que les huiles présentes aient eu connaissance de sa présence, il n'avait pas été convié à la réunion. Lui, l'expert, allait donc rester dehors pendant qu'un triumvirat ignorant des marées noires feindrait d'élaborer des solutions.

Permettez-moi d'ouvrir une parenthèse. Je dis « feindrait » parce qu'au bout de quatre jours de déambulations en Louisiane et sur la côte du Mississippi, un fait est devenu évident : c'est BP qui semble tirer les ficelles.

Exemple : arrêtés à un barrage installé sur une route départementale, vers Hopedale (rive Est du Mississippi), des gardes nationaux nous ont conseillé d'appeler le représentant de BP pour obtenir l'autorisation de passer. Idem le lendemain.

Deux jours plus tard, devant un centre où les pêcheurs étaient venus remplir les formulaires pour obtenir leurs compensations, deux journalistes américains tentant d'interviewer les pêcheurs sur le parking ont été virés sur le champ par les hommes de BP.

Mais revenons à Steiner, auquel j'ai posé quelques questions.

« On a entendu des dauphins tousser »

Armelle Vincent : quelle est l'ampleur réelle de cette marée noire ?

Rick Steiner : c'est une catastrophe sans précédent, un événement historique, beaucoup plus grave que ce que ne laissent entendre le gouvernement et BP. C'est la première explosion d'une plate-forme pétrolière en mer et la première fois aussi qu'une fuite de pétrole brut se produit à 1 500 mètres de profondeur.

Les conséquences de cette tragédie sont totalement différentes de celles provoquées par l'accident d'un pétrolier, car dans ce cas, le pétrole reste à la surface, où vous pouvez le suivre.

L'impact le plus important de cette marée noire se fera sentir au fond du golfe, dans ce que nous appelons l'écosystème pélagique. Nous semblons uniquement concernés par les marées noires qui envahissent les plages et le rivage, alors qu'au large, il y a des centaines d'espèces d'oiseaux, de dauphins, de baleines, de poissons, etc en danger.

Justement, quels sont ces dangers ?

On a observé un banc de 70 ou 80 dauphins se déplaçant en rangs serrés au large de l'Ile du Gosier. C'est un signe de stress et d'effroi. On les a aussi entendus tousser. Ils ont dû ingérer ou aspirer du pétrole. On a également vu une grande quantité de plancton mort.

Sur Breton Island, il y a des milliers d'oiseaux. Ils sont en pleine saison de nidification. La moitié des oisillons sont déjà sortis de leurs coquilles. Ils vont être contaminés. En Alaska, 30 espèces ont été compromises. Les harengs du Pacifique ont été complètement décimés. 21 ans plus tard, les pêcheurs et la faune aquatique continuent de payer les conséquences d'Exxon Valdez.

A votre avis, les mesures prises par BP sont-elles efficaces ?

Malheureusement non. Il n'y a absolument aucun moyen de collecter le pétrole une fois qu'il est dans l'eau. Dans toute l'histoire des marées noires, on n'y est jamais parvenu. Les centaines de kilomètres de barrages flottants déployés ne peuvent être efficaces que si le brut flotte à la surface, et encore… Or, dans le cas présent, il est surtout dans le fond.

BP a annoncé qu'elle avait récupéré sept millions de litres d'une mixture eau/pétrole. Je parie que 90% de cette mixture était de l'eau. L'ironie est que les bateaux qui installent les barrages injectent plus de pétrole dans l'eau qu'ils n'en collectent. C'est absurde. Pendant ce temps, 800 000 litres de brut jaillissent chaque jour de la fuite pour se répandre dans le golfe.

Quel est l'impact écologique du dispersant utilisé par BP ?

La méthode a été utilisée en Alaska, sans succès. BP a injecté environ 1,6 million de litres (1 800 m3) de dispersant. C'est inquiétant. Le brut est toxique. Le dispersant est toxique et la combinaison des deux est encore plus toxique.

Le dispersant est un produit chimique composé d'un ingrédient actif appelé Corexist, que les biologistes marins ont rebaptisé « Hidesit » (le cache), et d'un autre appelé 2-Butoxyethanol. Sur l'étiquette de ce produit, on est avisé de consulter immédiatement un médecin en cas de contact avec la peau. Tirez-en vos propres conclusions.

Les compagnies pétrolières utilisent les dispersants parce qu'ils permettent de « couler » le pétrole loin des regards. Toute la faune aquatique va être exposée à leur toxicité. De plus, pour que le pétrole se disperse, il faut des vents de 10 à 25 nœuds. Moins de vent, c'est inefficace ; plus de vent, le dispersant devient inutile.

Quel est donc votre pronostic ?

Il est difficile de faire des prédictions. Tout dépendra des vents, de la température de l'air et de l'eau, du type de brut et de la densité de bactéries. Plus l'eau est chaude, plus il y a de bactéries. Elles contribuent à nettoyer les hydrocarbures toxiques de la marée noire.

Cette catastrophe est le Tchernobyl de l'industrie pétrolière. J'espère qu'elle nous apprendra au moins une leçon : il faut arrêter l'exploitation pétrolière en mer. Nous en connaissons maintenant les risques. Il faut à tous prix éviter le forage dans l'océan Arctique. Il serait absolument impossible de contrôler une explosion et une fuite de brut dans la banquise.

Photo : un pélican brun plein de pétrole va être nettoyé à Buras, en Louisiane, le 15 mai (Hans Deryk/Reuters)

Golfe du Mexique : pourquoi la marée noire n'a pu être évitée

Le pétrole issu de la plate-forme pétrolière Deepwater Horizon, dans le golfe du Mexique, a commencé à toucher les côtes de Louisiane jeudi soir (heure locale). Ce n'est que le début d'un drame écologique peut-être sans précédent. Des habitants de la Nouvelle-Orléans disent avoir senti l'odeur de pétrole. Le président Obama a décrété l'état de « catastrophe nationale ».

La plateforme pétrolière, exploitée par la société British Petroleum et propriété de la société suisse Transocean, a explosé le 20 avril, puis coulé par 1 500 mètres de fond. Avec elle, 2,6 millions de litres de pétrole. Une nappe de près de 1 000 km de circonférence s'approche lentement mais sûrement des côtes. Elle ne serait plus qu'à une vingtaine de kilomètres de la Louisiane. (Voir les prévisions graphiques d'impact de la nappe pour samedi 1er mai, réalisées par les services de la météo américaine jeudi 29 avril. En rouge le pétrole échoué. Cliquer pour agrandir)

La situation s'est nettement aggravée depuis qu'on a constaté une troisième fuite mercredi 28 avril. Ce ne sont plus 1 000 mais 5 000 barils par jour (800 000 litres) qui se déversent dans l'océan, c'est-à-dire cinq fois plus que ce que les garde-côtes avaient imaginé.

Que risque la Louisiane ?

La région concentre 40% des marais côtiers américains avec notamment le delta du Mississippi et le secteur florissant de la pêche. Poissons, crustacés, huîtres y sont présents en masse, sans parler des mammifères marins (tortues, dauphins et baleines) et des oiseaux qui s'y reproduisent en nombre.

Désormais, la question n'est plus que de savoir comment limiter l'impact de cette marée noire, en Louisiane, et aussi dans les états voisins du Mississippi, de la Floride et de l'Alabama.

Comme le montre ce garde-côte américain, des barrages flottants sont mis en place sur 20 miles nautiques pour tenter de contenir la nappe de pétrole, mais ce devrait être insuffisant. Si vous allez au bout de la vidéo, vous verrez la beauté de la flore sauvage… et la gueule ouverte de l'alligator. (Voir la vidéo du Houston Chronicle, en anglais)

Où en est le colmatage ?

La plateforme étant au fond de la mer, des bras robotisés sont employés pour tenter de colmater les fuites.

Mardi 26 avril, BP a annoncé que cette tentative avait échoué. Les ingénieurs de la firme pétrolière tentent de construire un couvercle sous-marin destiné à endiguer la fuite.

Une autre solution consiste à forer des conduits de secours destinés à injecter un enduit spécial pour boucher définitivement le puits. Mais ces solutions devraient prendre plusieurs semaines, et n'empêcheront pas la nappe de se propager jusqu'à la terre.

D'où l'idée -qui semble insensée mais a déjà été expérimentée- de mettre le feu à la mer, tentative désespérée d'éviter le pire

Cette opération de la dernière chance n'est pas sans risque. Elle pourrait provoquer une nouvelle pollution, cette fois-ci atmosphérique. Comme l'explique cette vidéo d'ABC News, les équipes de secours ont lancé mercredi 28 avril au soir, des « incendies contrôlés » de petites nappes. (Voir la vidéo d'ABC News, en anglais)

es garde-côtes américains, en collaboration avec BP, ont d'abord comprimé une partie de la nappe, l'emprisonnant dans un barrage flottant, puis ont envoyé un « petit flotteur » à l'intérieur de la nappe, avant de l'enflammer. Les feux ne devraient durer qu'une partie de la nuit.

Le nuage toxique devrait se dissiper avant d'atteindre la côte, estiment les autorités américaines, qui ont prévu de contrôler la qualité de l'air tout au long des opérations et de les interrompre si les normes de sécurité étaient transgressées. Cet incendie contrôlé devrait aussi rejeter en mer quelques déchets boueux potentiellement toxiques. Ce qui fait dire à Frank Haeseler, chef du département de géochimie de l'Institut français du pétrole (IFP), que cela « revient à ajouter la peste au choléra.

La pire marée noire de l'histoire américaine ?

Mary Landry, la représentante des garde-côtes américains, n'a pas caché mercredi 28 avril que ce pourrait être une des pires marées noires de l'histoire. (Voir la vidéo de CNN, en anglais)

Chez tous les Américains, ce drame rappelle la marée noire provoquée en 1989 par l'échouage de l'Exxon Valdez près des côtes de l'Alaska. Le navire avait relâché 40 000 tonnes de pétrole, étalées sur 7 000 kilomètres carrés. C'était jusqu'ici la pire catastrophe du genre.

Faut-il supprimer les plates-formes pétrolières ?

Le débat sur l'avenir de ces plates-formes off-shore a déjà démarré aux Etats-Unis. Ainsi, avec le gouverneur républicain de Floride qui déclare :

“C'est une toute nouvelle plate-forme équipée de la dernière technologie. Comme je l'ai toujours dit, elle aurait besoin d'être absolument propre et sûre. Je ne suis pas sûr qu'elle le soit suffisamment.”

Un incident embarrassant, à l'heure où Obama prévoit de développer les plates-formes pétrolières en mer.

Illustrations : des boulettes de pétrole sur les plages du détroit Breton dans le golfe du Mexique, le 29 avril 2010 (Sean Gardner/Reuters). Projection graphique de la trajectoire de la nappe de pétrole pour le 1er mai. Les bras robotisés employés par BP, le 22 avril (uscgd8/Flickr).

Mis à jour le 30/04 à 10h40 avec l'arrivée de la nappe de pétrole sur les côtes

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